#24 - L'arnaque EdTech-crypto de la rentrée 😈
Ou quand une entreprise d'éducation profite de la ruée vers la blockchain pour dilapider des petits boursicoteurs américains !
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Hello !
Comme d’accoutumée, les périodes de transition voient les plus mouvements les plus fous prendre forme.
Cette rentrée ne fait guère exception à la règle. Euphorie sur les NFT (des pixels vendus pour des millions de dollars), hausses exceptionnelles pour certaines EdTech dont Kahoot! qui est enfin rentable et sera inclus dans l’indice principal norvégien, etc.
Elle a été aussi l’occasion d’observer l’une des plus grandes fraudes à découvert s’exercer sur les marchés, il y a pile un mois.
Les protagonistes ? Une EdTech (chinoise évidemment), des investisseurs-traders de piètre niveau sous l’influence colossale de spéculateurs aux centaines de milliers d’abonnés Twitter.
Le début du commencement : l’IPO de Meten
Octobre 2018. Le média L’Etudiant publie un obscur papier dont je ne comprends pas grand chose. Il évoque l’introduction en Bourse à New York selon ces termes :
EdTechX Holdings, nouvel acteur mondial de l’éducation et de la formation, devient la première SPAC dédiée au secteur.
La SPAC [Special Purpose Acquisition Company] permet un accès permanent au marché des capitaux et des investissements pouvant aller jusqu’à dix fois les fonds levés au moment de l’introduction en Bourse : de quoi saisir rapidement les opportunités d’acquisition. Autre avantage de ce véhicule d’acquisition : il permet d’avoir une vision industrielle de long terme sans être soumis, comme c’est le cas pour les fonds d’investissements, à des impératifs de sortie à cinq ou sept ans.
Plus simplement, il s’agit d’un trésor de guerre coté en Bourse disposant d’assez d’argent et d’un réseau pour racheter une entreprise et la faire introduire en Bourse conjointement. L’un des exemples les plus récents est l’arrivée en Bourse de Forbes grâce à la SPAC Magnus Opus.
En revanche, et contrairement à ce qu’écrit le média, l’entreprise cotée en Bourse se voit obligée de répondre à ses investisseurs… tous les trimestres, au fil de ses publications de résultats.
L’équipe à l’origine de la SPAC, qui reçoit 20% de ses actions pour quelques milliers de dollars (25 000$ en général), dispose de deux ans pour déployer les millions confiés par des investisseurs. A défaut, ils devront rendre l’argent. #FF
Dans le cas de la SPAC EdTechX, il restait en fin 2019 très peu de temps pour aboutir à un deal. Il fallait donc trouver une cible… ou bien fermer la SPAC et renoncer à son potentiel reward.
Cela aurait constitué un camouflet tant les fondamentaux de l’éducation sont solides. Sur le site d’EdTechX, la SPAC est présenté comme une formidable opportunité d’investissement :
En décembre 2019, un deal à 535 millions de dollars est annoncé. Youpi, la première SPAC EdTech a trouvé une cible et les arguments grandiloquents ne manquent pas pour démontrer que ce deal constitue une flamboyante réussite :
According to research by Citibank, the ELT market in China is expected to grow to US$43 billion in 2022, representing a 21% CAGR, mainly driven by growing expenditure on education, urbanisation, increasing awareness of the importance of English, and technology development.
The rapid pace of urbanisation in China has driven demand for education, vocational training and edtech services, according to research by Morgan Stanley. By 2030, online tutoring could be used by over 30% of Chinese in education – a 20% growth from today, representing a market worth US$150b.
La présentation Investisseurs (PDF) compte moult arguments pour séduire le petit porteur. Leader d’un segment où les autres entreprises valent des dizaines de milliards, positionnement exclusif, croissance tous azimuts de l’ensemble des indicateurs (étudiants, chiffre d’affaires, EBITDA, etc.)
Meten ou la hype permanente
En 2017, Netflix avait sorti un formidable documentaire sur les entreprises chinoises de mauvaise qualité cotées sur les marchés américains qui n’ont qu’un objectif : recevoir des investissements de petits porteurs américains.
Attirés par la pseudo-poule aux oeufs d’or qu’est le développement de la Chine, ces derniers ingurgitent des arguments fallacieux présentés par certaines entreprises de la plus grosse économie mondiale (à parité de pouvoir d’achat).
La chaîne de restauration Luckin Coffee ou la fraude latente EdTech GSX TechEdu ont notamment fait les gros titres des médias internationaux.
En 2021, les temps ont changé. Guère de robots de cours virtuels comme sur GSX ou encore de fausses ventes comme le faisait Luckin Coffee.
Cette fois-ci, les protagonistes ont profité de la hype des crypto-actifs dont la valorisation a explosé depuis l’automne 2020, affichant même de bien meilleures performances que les actions de l’univers tech.
Meten ou la communication frauduleuse à découvert
Le 30 mars 2021, Meten a osé le pire : profiter de la spéculation complètement absurde autour du Dogecoin pour séduire les petits investisseurs en annonçant l’adoption de cet actif dans un mécanisme de récompense des enseignants étrangers.
Ce communiqué de presse est l’une des productions les plus absurdes jamais vues. Pourtant, les résultats sont sans appel : +6,5% ! L’action qui avait perdu 77% depuis la fusion se refait une petite santé à l’occasion avant de rétrocéder le tout dans les mois qui suivent à la suite de la condamnation à mort du secteur.
Jusqu’au 1er septembre.
Meten s’offre une hausse spectaculaire : +37% !
Cette fois-ci, Meten recycle le tout en affirmant un pivot du business : Meten ne sera plus seulement une entreprise d’apprentissage de l’anglais. Elle annonce tout simplement sa volonté de devenir une entreprise de minage de cryptomonnaies :
The Company has been exploring the feasibility of blockchain and cryptocurrency business beginning from 2020. As disclosed in a series of press releases in 2021, the Company had devised a blockchain technology strategic plan, intended to introduce Dogecoin reward mechanism, and applied non-fungible token ("NFT") for digital copyright in online education. By leveraging the experience in applying blockchain technology, NFT and Dogecoin reward mechanism on Likeshuo, the Company plans to build a new business division and set up a professional team to promote blockchain and cryptocurrency business in the following two to three months.
Pursuant to the New Business Initiative, the Company is contemplating purchasing mining machines and NFT assets and placing them into operation in the U.S. or Canada. The Company is also considering building its own mining farm and is currently searching for low-cost natural gas, oil mines and other suitable sites in Canada. The Company expects to provide mining operations and custodian services for other mining service providers in the future. As of the date of this press release, there is no definitive agreement entered into by the Company related to the New Business Initiative, nor is there any assurance that the New Business Initiative could be successfully implemented.
Alan Peng, Chief Executive Officer of Meten EdtechX, commented: "Our New Business Initiative will be built upon the traction we are already seeing in our past research and preparation of blockchain and cryptocurrency business. After an in-depth research and exploration in the crypto world, with the resources and talents of the Company, we are committed to building a professional team to explore the blockchain and cryptocurrency business while maintaining our core adult ELT business. We believe this move will help us create a new ecosystem in the fast-evolving Internet industry and give us the opportunity to increase our growth potentials and broaden our vision."
Et pourquoi pas ? Hein.
Après tout, le discours convainc cet utilisateur de Twitter influent aux plus de 200 000 abonnés :




Celui-ci ainsi que quelques autres se mettent à faire la promotion de l’action qui s’offre ce rebond incroyable de 37%, tutoyant de nouveau le seuil fatidique de 1$ !
S’il n’est pas à exclure que l’entreprise puisse avoir payé ces comptes influents en vue de faire monter le marché, comme dans le cas de nombreuses actions de piètre niveau, le plus étonnant arrive juste après la clotûre de la séance.
Meten, qui n’avait plus que 22,3 millions de dollars dans ses réserves fin juin 2021, annonce tout simplement émettre 200 millions d’actions à 0,30$ afin de récolter 60 millions de dollars… tout en diluant les actionnaires existants d’environ 67% !
Patatras, l’action s’effondre mais il est fort probable que des insiders aient profité de l’information pour vendre leurs actions avant le naufrage prévisible.
Si le cas de la fraude GSX (rebaptisé GaoTu pour faire oublier son passé) était déjà un signal qu’éducation et fraude pouvaient faire bon ménage, la folle histoire de Meten EdTechX devient une véritable référence de manipulation totale de la communication Investisseurs afin de faire payer le pigeon classique des China Hustles, à savoir le boursicoteur-pseudo-trader américain !
Du côté d’EdTechX, les actions détenues dans le cadre de la fusion ont été vendues depuis fort longtemps, les deux dirigeants de la SPAC initiale n’ayant conservé que 20 000 actions selon les dernières déclarations auprès de la SEC. Ces derniers ont rempilé et ont lancé une seconde SPAC en décembre 2020. Espérons qu’ils trouvent une cible plus intéressante dans un marché saturé de coquilles vides…
Quid des autres SPAC de la EdTech ?
Nerdy et Skillsoft sont les deux autres entreprises de l’univers de l’éducation entrées en Bourse à travers une SPAC.
Leurs performances sont bien plus flamboyantes avec la plateforme de tutorat en ligne Nerdy qui demeure quasi-stable tandis que le spécialiste de la formation professionnelle en ligne Skillsoft s’arroge une raisonnable hausse :
Pour information, Meten EdTechX cote à près de 0,30$ à l’heure où j’écris ces lignes, soit un niveau trois fois inférieur à celui de début septembre.
Pour aller plus loin :
La chaîne The Plain Bagel s’est intéressée aux influenceurs payés pour promouvoir des actions et des cryptomonnaies de piètre qualité :
Tandis que CoffeeZilla s’est penché sur les finfluencers, ces influenceurs du monde de la finance qui sont capables de mobiliser des milliers d’investisseurs pour des sommes ridicules :
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