#27 - Victor Wacrenier (AppScho) - L'exit et la création d'un leader mondial EdTech du supérieur
AppScho s'adosse à Ready Education : comment la EdTech française compte-t-elle faire partie du leader mondial du supérieur ?
Le média référence EdTech Capital révèle ce matin le rachat de la startup française AppScho, chantre du secteur en France, par le groupe américain Ready Education.
J'en ai profité de l'occasion pour échanger avec Victor Wacrenier, fondateur de l'application !
Avant de lire l'interview, n'hésitez pas à vous abonner au plus gros Substack (mondial, oui oui !) dédié à la EdTech :
Hello Victor, qui es-tu ?
Salut Mehdi !
Victor, 33 ans, cofondateur d’AppScho. Je suis titulaire d’un Master en informatique d’une école qui a fait faillite (SUPINFO), et d’un Mastère de l’ESCP Business School qui n’existe plus (Master in European Business).
J’ai bossé chez PayPal en 2012 puis j’étais l’un des 5 premiers salariés de N26 en 2013 à Berlin, deux entreprises qui - elles - existent toujours.
Je suis par ailleurs fan du Paris Saint-Germain mais personne n’est parfait j’imagine.
Pourquoi as-tu bâti Appscho ?
Au départ c’était un constat personnel : je ne comprenais pas pourquoi l’on avait aussi peu de services numériques dans mon école d’informatique d’abord, puis dans ma grande école de commerce ensuite.
J’entends : les premiers sont censés être au premier plan de l’innovation (puisque c’était le sujet de nos cours), et la seconde dispose de budgets réputés conséquents (puisque mon Mastère coûtait 17 000€). Et dans ces deux cursus, on était sur du casier, du polycopié imprimé, et de façon générale sur un joyeux bordel généralisé dans les emails qui était le seul canal de contact “direct” avec les étudiants.
Et puis j’avais déjà une conviction sur la prévalence des smartphones dans notre quotidien, notamment pour avoir bossé chez N26 qui était l’une des premières banques mobiles (à l’époque où personne ne pensait qu’on pouvait avoir un compte sans agence bancaire physique). Ma vision était que le mobile allait devenir le vecteur de service #1 de l’enseignement supérieur.
Du coup j’ai bâti AppScho avec cette ambition : faire du mobile l’outil privilégié des étudiants durant leurs études - comme dans leur vie de tous les jours en fait.
Je ne sais pas si on y est encore, mais on a en tout cas atteint 99% d’équipement mobile chez les 18-25 ans : ça me semble être inéluctable.
Aujourd’hui, tu annonces le rachat d’Appscho par l’américain Ready Education : cocorico ou cocoriplouf ?
D’un point de vue de l’enseignement supérieur Français et de ses ambitions numériques, c’est un maxicocorico !
Avec ce regroupement [NDLR : Ready Education a aussi racheté les concurrents Anglais et Hollandais d’AppScho], les établissements d’enseignement supérieur Français et leurs étudiants rejoignent les meilleures Universités mondiales dans leurs initiatives digitales.
Cette fusion, parce qu’elle confirme la maturité de l’enseignement supérieur français en matière de numérique, permet la reconnaissance des établissements français en Europe et outre-Atlantique.
Si l’on se place d’un point de vue du marché EdTech, c’est aussi une super nouvelle : on devient quand même la première startup EdTech Française de l’enseignement supérieur à créer un acteur de cette taille : 4.5M d’étudiants et 525 établissements dans 15 pays, c’est pas rien.
Et d’un point de vue financier, il faut demander à mes investisseurs !
Plus sérieusement, quelles aubaines vois-tu dans le fait de faire partie de ce grand groupe ?
Je trouve ça démentiel en termes d’opportunités.
Imagine : on va pouvoir faire collaborer des établissements comme Harvard et McGill avec nos écoles et universités françaises, et leur permettre de partager leurs meilleures pratiques en matière de numérique !
Encore mieux, on a l’opportunité de définir la norme mondiale en matière d’expérience étudiant. 4,5 millions d’étudiants qui utilisent la même application mobile - bien évidemment avec leurs contextes locaux - c’est passionnant et ça va nous amener des idées dans tous les sens.
Et puis Ready Education vient de lever 55 millions de dollars en juillet : je doute que l’on aurait pu avoir autant de financement en France. On va donc pouvoir faire ce que personne n’a pu faire en matière d’EdTech et sur notre marché qui est l’enseignement supérieur, car l’on dispose désormais de budgets importants.
C’est peut-être un aveu de défaite d’un point de vue du financement de nos startups françaises, mais c’est par contre la promesse pour nos établissements et leurs étudiants de pouvoir bénéficier de la meilleure solution mobile jamais créée.
Et moi, en tant qu’entrepreneur, c’est ce qui m’importe le plus : accompagner les étudiants.


As-tu réussi à faire d’Appscho ce que tu voulais ?
D’un point de vue très terre à terre, je suis fier de l’équipe que l’on a monté.
La startup nation c’est très blanc, plutôt masculin, et c’est souvent les boîtes tech qui sont les pires.
Or en 7 ans chez AppScho on a réussi à monter une équipe hyper diversifiée, avec la presque parité (on va y arriver !), et composée de personnes de tous les horizons et de toutes les couleurs. Rien que pour ça, je suis satisfait d’AppScho et même si on avait planté la boîte.
Mais d’un point de vue stratégique, le fait que l’on rejoigne le plus grand acteur du marché montre que l’on a justement été dans la bonne direction et que l’on avait la bonne vision. Nos ambitions convergent, et c’est marrant de voir que les 4 acteurs qui se sont créés à peu près en même temps (2013-2014) sont maintenant sous la même bannière : c’est qu’on a tous vu juste !
Je voulais faire d’AppScho le leader de l’expérience étudiant : c’était le cas en France, c’est désormais le cas au niveau mondial.
Est-ce que Ready Education a encore pour vocation de racheter d’autres entreprises en France ?
Il va falloir fournir du service pour nos 4,5 millions d’étudiants, donc oui : on a l’ambition de continuer à consolider le marché au travers de notre application mobile.
Je ne peux pas rentrer dans les détails pour des raisons évidentes de confidentialité mais ce regroupement n’est que le début. On va travailler à la fusion de nos applications mobiles et pour déployer un produit unifié sur le marché, et à partir de là on aura de nombreuses possibilités pour continuer à grandir.
Nul doute que de nombreuses startups et entreprises souhaiteront proposer leur service à nos millions d’étudiants, à plus forte raison quand l’on sait que l’on a plus de 80% d’utilisateurs quotidiens et une rétention à quasi 100%. A notre charge d’étudier les opportunités qui créeront de la valeur pour les étudiants utilisateurs ainsi que pour leurs établissements, dans le respect de nos valeurs - protection de la vie privée notamment.
On aura donc compris qu’il vaut mieux être pote avec toi. Par ailleurs, tu as une personnalité qui détonne dans l’univers de la Tech français. Que penses-tu de ce dernier ?
Ça va peut-être te faire marrer mais je préfère de loin déjeuner avec un établissement qu’avec un entrepreneur.
Les établissements ont une vraie volonté d’avancer, et partagent volontiers leurs enjeux, leurs doutes, et leurs ambitions. L'entrepreneur va passer sa journée sur Slack ou sur des boucles mails interminables à te dire qu’il s’apprête à lancer le “next big thing”... C’est barbant.
Un truc qui m’ennuie dans l’écosystème EdTech en particulier, c’est le nombre d’entrepreneur(e)s qui se sont lancés par vocation - et c’est une bonne chose - mais qui pensent que cela va obligatoirement faire marcher leur solution. En gros, il y a du monde qui veut lancer sa boîte et résoudre des problèmes, mais beaucoup moins quand il faut passer des semaines à faire une mise en conformité RGPD…
D’un côté je suis très heureux que l’EdTech soit devenue “hype” parce que ça donne une bonne dynamique à l’écosystème, ça met en lumière notre industrie et les solutions qu’on essaie d’apporter collectivement. De l’autre côté, c’est de plus en plus la foire et l’on se retrouve avec des solutions qui ne marcheront probablement jamais et dont l’impact négatif sera collectif : un établissement qui se foire sur un pilote, c’est toutes les startups qui trinquent parce qu’en interne leur direction va demander de rendre des comptes sur leur volonté d’innover avec des petits acteurs plutôt qu’avec Microsoft.
Tu es un actif de la première heure dans l’écosystème EdTech français, comment ce dernier a-t-il évolué depuis les prémisses d’EdTech France ?
Il est en pleine croissance chaque année et c’est une bonne chose.
J’ai beau tenir un discours de vieux con sur l’écosystème, c’est notamment grâce à des initiatives comme EdTech France [NDLR : Victor a fait partie des cofondateurs en 2018] que l’on arrive à le développer et lui donner plus de visibilité.
Et plus de visibilité, cela attire des investisseurs pour financer les innovations, ça génère une dynamique dans les établissements qui achètent des solutions, et ça montre aux pouvoirs publics que c’est une filière qu’il faut soutenir (merci à Nicolas Turcat et la Banque des Territoires d’ailleurs, les premiers à nous avoir soutenu avec l’Observatoire EdTech en 2017 !)
Comme tout écosystème en forte croissance, il y a un gros travail de consolidation à faire pour en améliorer la lisibilité. A ce titre Anne-Charlotte Monneret (DG EdTech France) s’en occupe très bien. Elle a lancé la première cartographie des solutions EdTech récemment : allez la consulter !
Tu penses qu’on aura un jour une licorne EdTech française ?
Si la startup n’est que sur le marché Français, j’en doute : c’est trop petit, notamment en B2B.
Par contre une startup française qui s’est internationalisée pourquoi pas ?
On est peut-être pas le pays de la tech, mais l’on est plutôt chauds sur l’éducation et l’on a de merveilleux entrepreneurs et des établissements de plus en plus ouverts non seulement au digital, mais aussi à la collaboration avec des startups.
Ajoute à ça une action forte des pouvoirs publics dans le soutien des startups (Bpifrance, les programmes d’investissement PIA, toutes les initiatives gouvernementales type FT40 / FT120), ça donne pour moi la recette de futures licornes EdTech.
Après ça pose une question : est-ce que la valorisation d’une boîte EdTech doit être son Graal, et par rapport à des indicateurs de succès plus opérationnels ? Prends une startup comme Lalilo dans le primaire : leur mission c’est de lutter contre l’analphabétisme. C’est certes pas une licorne, mais ils accompagnent 400.000 gamins au quotidien. Du coup c’est un échec ?
Je ne pense pas, mais tu m’as posé une question de mec de droite alors je te réponds en fonction. [NDLR : Cette question étant typique d’un journaliste startup de seconde zone, doit-on penser que tous les journalistes claquos sont des mecs de droite ? Vous avez 4 heures.]
Est-ce que tu es devenu assez riche pour racheter l’ASSE ?
La question c’est plutôt pourquoi j’achèterais le dernier de la Ligue 1 ?
A part pour récupérer Wahbi Khazri je ne sais pas trop pourquoi je ferais cela.
Ok nous aussi on a perdu contre Rennes mais on a pas pris 5 pions comme l’ASSE - à domicile en plus. C’est dommage ils ont l’un des meilleurs publics de France (après les Lensois bien évidemment).
Un dernier mot ?
Aux 100 établissements public et privé qui ont choisi AppScho pour leur application mobile : merci d’avoir cru au projet. Vous avez bien fait car le meilleur est à venir et on a hâte de vous montrer comment vous allez pouvoir aller encore plus loin dans votre expérience de campus avec nos apps.
Aux établissements qui n’ont pas encore d’application mobile et souhaitent creuser le sujet : nos équipes sont à votre disposition et sauront vous faire un projet au poil en fonction de vos enjeux - on a d’ailleurs lancé notre nouveau site internet !
Et un énorme merci aux équipes qui composent AppScho et œuvrent au quotidien pour créer les meilleures expériences de campus à nos 500.000 étudiants - maintenant 4.500.000 !! - et leurs établissements.