#43 - Grandes Ecoles de commerce : l'heure des grands mouvements a commencé ! (1/2)
Après avoir longtemps regardé avec dédain les modèles des groupes privés d'enseignement supérieur, des Grandes Ecoles changent de discours désormais. Seule manière d'éviter une mort certaine ?
Début 2019, Bernard Belletante ouvrait une voie sinueuse : celle de la privatisation des Grandes Ecoles de commerce. C’était à l’occasion d’un dîner dédié aux journalistes au sein du prestigieux Georges V à Paris que j’avais pu écrire cet article. A cette occasion, il présentait son successeur Tawhid Chtioui, dont la brève direction émaillée de nombreuses affaires (à l’instar du non-renouvellement du grade de master pour 5 ans) a illustré les difficultés du passage d’association à société à but lucratif.
Le raisonnement était relativement simple : les Grandes Ecoles, détenues par des CCI aux ressources de plus en plus rares, ne constituent plus des actionnaires capables de soutenir des structures éducatives d’excellence dans un univers en profonde transformation.
Au début, le mouvement était disqualifié unanimement par un grand nombre d’acteurs. Challenges avait interrogé Alice Guilhon qui représentait la CGE (instance la plus importante de l’écosystème avant la création de la CDEFM) :
« Je suis scandalisée, tonne Alice Guilhon, la directrice de Skema, qui préside le chapitre des écoles de management à la Conférence des grandes écoles. Notre mission d’éducation est incompatible avec la rentabilité exigée par les fonds. » Elle lie très directement la mutation de l’emlyon à ce grand fiasco : « Le choix d’avoir ouvert le capital est irresponsable. »
Démissions en série, errements stratégiques... Le fiasco de l'emlyon - Challenges - 29 février 2020
Désormais, les avis ont changé.
Confrontées à une concurrence accrue de l’enseignement supérieur privé à but lucratif, bon nombre de Grandes Ecoles ont optimisé leur développement afin de répondre à des objectifs historiques, parfois destructeurs de valeur sur le long terme. Elles amélioraient uniquement ce qui était visible dans l’environnement dans lesquelles elles sont nées (classements de la presse, duels SIGEM, recrutement de professeurs publiant dans des revues prestigieuses, campus), ignorant les fortes dynamiques d’autres marchés (alternance, écoles spécialisées), jugés peu nobles car n’ayant pas de dimension de recherche (ni les coûts associés)…
La pause promo
Cet été, en parallèle du lancement d’Empower College en partenariat avec l’EDHEC, j’ai créé NextEdu Europe avec Hugo Foyer (L’Antisèche).
Il s’agit d’une structure d’accompagnement des acteurs gravitant autour de l’univers de l’éducation afin de les accompagner sur leurs problématiques de (dé)croissance et de développement. Nous créons un one-stop shop afin d’accompagner nos partenaires de la stratégie pure à son exécution opérationnelle.
Nous publions régulièrement des études sur le marché en commençant par les Grandes Ecoles de commerce ainsi que les classes préparatoires. N’hésitez pas à les consulter et à vous y abonner :
Si vous pensez que nous pouvons vous épauler dans vos réflexions, contactez-moi sur : mehdi@nextedu.fr !
Grandes Ecoles : un modèle à bout de souffle ?
Avec une concurrence de plus en plus rude, les BP des Grandes Ecoles qui pensaient manger le marché se sont avérés complètement erronés. Lors de sa privatisation, emlyon avait avancé des hypothèses de performances financières qui s’avèrent finalement très éloignées de la réalité :
Après avoir prévu 337 millions d’euros de chiffre d’affaires pour 58 millions de résultat d’exploitation en 2024 dans le BP présenté aux investisseurs à l’époque, l’école lyonnaise en sera finalement assez loin. Pour 2023, l’école affiche même un net décrochage de ses revenus expliqué par la réduction du nombre d’AST recrutés (ce qui est particulièrement vrai en AST1 dans l’ensemble des Grandes Ecoles) mais surtout par le décalage de la clôture de son exercice comptable (au 30 juin contrairement au 31 août), ce qui lui permet d’afficher un résultat positif dans ses comptes (10 mois de charge pour 12 mois complets de revenus), en réalité proche de l’équilibre.
Contrairement aux Grandes Ecoles indépendantes, la rentabilité d’emlyon n’est pas forcément importante pour les propriétaires de son actionnaire majoritaire, Galileo Global Education (GGE) pour la simple et bonne raison que ce groupe gagne énormément d’argent avec d’autres écoles spécialisées. Le recrutement d’Isabelle Huault et son très bon travail depuis permettent à l’école d’incarner la dimension d’excellence académique, qui se fixe l’objectif de porter l’ensemble du groupe GGE. Il est à noter que sa deuxième Grande Ecole, Paris School of Business, n’est pas rentable non plus.
Grande Ecole ou pas : ta rentabilité diffèrera ! 🔀
Si l’on compare les comptes de quelques entités publiant le tout de manière transparente, le groupe Omnes Education nous donne quelques éléments assez claire entre la rentabilité d’une Grande Ecole de commerce (ESCE) et celle d’une école spécialisée (ici Sup de Pub) :
Il est à noter que la profitabilité de Sup de Pub n’a rien d’exceptionnel dans l’univers des écoles privées, où la marge d’EBITDA peut atteindre plus de 50% dans certains cas.
La trajectoire de l’ESCE n’est pas unique. Elle est même partagée par de très nombreuses Grandes Ecoles. La lecture des comptes de SKEMA déposés au Journal Officiel fournit des éléments assez clairs :
La très forte croissance de SKEMA ne pénalisait pas sa rentabilité jusqu’en 2021 où l’école parvenait à conserver une profitabilité nominale certaine.
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