#34 - Et si les NFT changeaient radicalement l'éducation ? Le cas des éditeurs.
Pour mieux contrôler sa chaîne de valeur, le groupe britannique Pearson se pose la question de transformer ses manuels scolaires en... NFT ! Précurseur d'un mouvement plus global ?
Le metaverse, les cryptos, les NFT… Si vous n’avez pas entendu parler de ces termes, vous vivez dans une grotte !
Si le premier d’entre eux a donné lieu à des propos tous plus absurdes les uns que les autres de la part de vendeurs de solutions techno, le dernier a fait l’objet d’assez peu de questions dans notre écosystème.
Pourtant, s’il y a bien une technologie liée à la blockchain pouvant totalement chambouler l’équation économique des éditeurs, acteurs les plus richement dotés de l’éducation en France, c’est bien celle des NFT !
Comment cette technologie pourrait bouleverser le marché mondial du livre estimé à 138 milliards de dollars ? Deep dive.
Un NFT : définition et brève histoire
Quitte à l’expliquer de manière claire, je vais me permettre de réaliser un copier-coller d’un grand site collaboratif :
Un NFT, ou « jeton non fongible », est un certificat numérique unique qui est stocké sur une blockchain et fournit certains droits de propriété sur un actif, généralement numérique, comme une oeuvre d'art numérique. Les NFT fournissent un outil puissant pour établir et démontrer les droits de propriété dans l'espace des actifs numériques où il est souvent difficile de démontrer ces droits étant donné la rapidité et la facilité avec lesquelles les oeuvres numériques peuvent être reproduites.
Les NFT sont décrits comme « non fongibles » parce que chacun est unique et de valeur différente. Cela contraste avec les actifs « fongibles » tels que les dollars ou le Bitcoin, qui sont identiques et interchangeables.
Un NFT est généré (ou « émis ») à l'aide d'un « contrat intelligent », qui est un code informatique stocké sur une blockchain. Le NFT comprend quelques champs différents tels que l'identifiant unique du NFT (généralement appelé « TokenID »); l'adresse du portefeuille blockchain du propriétaire actuel ; et un identifiant de l'endroit où l'oeuvre d'art numérique associée au NFT peut être trouvée. Étant donné que les transactions blockchain sont entièrement transparentes, n'importe qui peut afficher un NFT et ses informations sous-jacentes, y compris l'adresse blockchain du propriétaire actuel et l'adresse blockchain de chaque propriétaire depuis la création ou la « frappe » du NFT.
Lorsqu'un acheteur achète un NFT, il doit disposer d'un portefeuille numérique pour recevoir, accéder et transférer un NFT. Un NFT peut être acheté et vendu comme d'autres biens. Ces achats et ventes sont effectués en transférant le NFT via une transaction blockchain du vendeur à l'acheteur.
L’histoire de cette technologie est récente mais je ne rentrerai pas dans trop de détails au risque de vous perdre. La première apparition d’une technologie similaire a eu lieu dans des forums d’échanges d’utilisateurs du Bitcoin quand je m’y étais intéressé, dès 2013 (Colored Coins). La première utilisation commerciale est apparue en 2017 avec la norme ERC-721 utilisée par les CryptoKitties, dont l’équation économique était lacunaire.
En mars 2021, l’artiste digital Beeple a vendu une image compilant 5 000 créations artistiques digitales pour la bagatelle de 69 millions de dollars, ce qui a entraîné une explosion du buzz autour de cette technologie.
Très vite, les cas d’usage se sont multipliés. La NBA a par exemple lancé sa collection Top Shots, permettant à chacun de s’acheter des moments d’histoire du sport en devenant propriétaire de ce dernier.
Certains y voient un actif immatériel. J’y vois surtout un concept fumeux. Ce qui n’empêche pas les projets de ce type de perdurer, à l’instar de la tournée japonaise du PSG. Dans tous les cas, la valeur de ces NFT a totalement plongé, tout comme la liquidité de ce marché. En février 2021, 224 millions de dollars avaient changé de main sur ce marché pour une valeur moyenne de 182 dollars. En août 2022, le volume n’atteindra pas les 7 millions de dollars pour une valeur moyenne inférieure à 17 dollars…
Dans une autre catégorie de NFT, des collections digitales ont pu émerger à l’instar du Bored Ape Yacht Club et de ces 10 000 petits singes que vous avez probablement déjà vu.
Dans le monde du sport, au-delà de l’achat d’images, le fantasy football a été complètement réinventé par Sorare et sa technologie des NFT appliqués au gaming. Chacun peut posséder sa propre équipe, acheter et revendre ses cartes de joueurs tout en touchant des récompenses.
Sans entrer dans le sport, le jeu Axie Infinity a fait grand bruit en 2021, en permettant à chacun d’élever des petits monstres qui combattaient entre eux et qui généraient des tokens. Un excellent article (écrit au sommet de la bulle cependant) est à retrouver ici :
Les promesses réalistes des NFT
Si les technologies propres au metaverse ou à la finance décentralisée sont pour moi encore très faibles en termes d’utilité et répondent davantage à des logiques purement commerciales et spéculatives, celle propre aux NFT est la plus prometteuse en termes d’usages concrets.
L’industrie du ticketing pourrait ainsi imaginer remplacer ses billets par des NFT marquant la participation à un événement. A titre personnel, j’aurai adoré avoir un petit NFT Rock en Seine x Kraftwerk pour y être allé ce vendredi !
A ce petit jeu-là, le prolifique entrepreneur Gary Vaynerchuk n’a pas hésité à pousser ce concept encore plus loin en y incluant des logiques communautaires allant au-delà du simple ticket pour un événement avec sa collection VeeFriends.
Ce qui différencie les NFT des technologies actuelles, c’est la capacité à marquer un droit de propriété clairement établi à travers des transactions contractualisées enregistrées sur la chaîne de blocs, la blockchain.
Le contrat, ce qui peut tout changer
Vous avez probablement déjà vu circuler cette image présentant le Web3 comme étant un lieu décentralisé, opposé aux plateformes monopolistiques comme Google, Meta, Airbnb, Uber, etc. Coup d’arrêt pour les intermédiaires, une vraie décentralisation, bref l’affranchissement d’une domination réputée immuable.
Ici, chaque créateur peut par exemple décider contractuellement que le transfert d’un NFT qu’il a créé lui rapporte un pourcentage de royalties. Par exemple, la plus grande collection de NFT Bored Ape Yacht Club permet à l’entreprise qui le développe (Yuga Labs) de générer 2,5% de royalties sur toutes les ventes secondaires, de quoi générer des revenus colossaux :
137,6 millions de dollars de chiffre d’affaires ;
131,3 millions de marge brute ;
4,24 millions de dépenses (publicité, produit et technologie, juridique et autres)
127,11 millions de profits avant impôts, soit 92,4% du revenu OPGDKLM !
Il est à noter que Yuga Labs ne vendait ses images lors du mint à seulement 0,08ETH, soit 800ETH au lancement, ce qui avec un prix unitaire de 2 400 $ représente moins de 2 millions de dollars, à peine plus de 1,5% de son CA.
Les NFT, un avenir dans l’édition scolaire ?
Dans l’univers des publishers, les NFT ont fait couler beaucoup d’encre. Du côté des médias, le Time Magazine a été pionnier à travers des séries reprenant des Unes iconiques. Le résultat ne s’est pas fait attendre : +10 millions de dollars de profit !
Dans l’édition scolaire, un tel business n’est pas possible. Malheureusement, personne n’achèterait de NFT ressemblant à cela :
En revanche, là où les NFT peuvent être d’une certaine utilité, c’est dans la structuration du marché de l’occasion.
Aujourd’hui, lorsque l’éditeur Dalloz vend cet ouvrage neuf, il touche 63€ minoré de la TVA et de la marge du distributeur. Sur les reventes, il ne touche rien. Ce sont des acteurs comme Rakuten qui profitent du marché.
Ici, lorsqu’une personne achète le manuel d’occasion à 56€70, il touche environ 46,38€ et l’intermédiaire prend 18,2%. Pour Dalloz, le revenu généré est de 0€.
Avec un smart contract, l’éditeur pourrait décider de créer des formats numériques de ses livres vendus sur une place de marché en propre et de conserver une commission sur chaque revente de livre.
Continuez votre lecture avec un essai gratuit de 7 jours
Abonnez-vous à La Revue ETF : Education, Tech et Finance 🎓📱💰 pour continuer à lire ce post et obtenir 7 jours d'accès gratuit aux archives complètes des posts.